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    Les requins-baleines de Djibouti.

     Presque deux ans après Raja Ampat, il fallait trouver une destination peu ordinaire. Alors je me suis décidé pour Djibouti, avec Nature Pongée . Il s'agit d'une croisière d'une semaine sur Lucy, un yacht moderne de 37 mètres à quatre ponts, y compris la terrasse supérieure. La spécificité des plongées à Djibouti c'est l'abondance de requins-baleines, surtout en cette saison.

    Heureusement que les requins-baleines était au rendez-vous. Et nombreux. Et friendly. Parce que l’organisation des plongées c'était la cata ! En effet on était onze plongeurs plus le propriétaire et ses trois fils. Avec deux guides de plongée. Le premier jour Marco, notre dévoué moniteur, a fait cinq plongées: trois avec nous et deux avec la famille du proprio. Encore mieux: pendant trois jours l'autre moniteur a eu des problèmes avec les sinus et on plongeait tous dans la même palanqué. Le but des plongées était de rester groupé. Pas possible de s'attarder sur une scène ou même vider son masque, risque de se retrouver tout seul.

    On a même frôlé la catastrophe. Le quatrième jour, descendus à 30 mètres Marco c'est aperçu qu'il en manquait un. On a remonté en surface, on ne le voyait pas. Grosse frayeur. C’était la première fois que ça m'arrive. On a fini par le retrouver. Il nous a perdu, a remonté, a replongé...

    Heureusement que les requins-baleines étaient là.

    Commençons du début.

    Allé à Djibouti avec Turkish Airlines, avec correspondance à Istanbul. Le vol direct d'Air France trop cher. Turkish n'est pas un low-cost, il y a des repas et un grand choix de films sur l’écran individuel. Certains sous-titrés en français parisien! Le premier vol dans l’après-midi, environs quatre heures. A l’escale je suis impressionné par les tableaux des vols. Destinations: Kaboul, Mogadiscio, Bagdad, Erbil, Benghazi ... Le deuxième vol est de nuit, cinq heures. Arrivé au petit matin il faut attendre deux heures pour le visa. Ensuite une voiture m’amène à l’hôtel Sheraton pour patienter au bord de la piscine, desserte le matin, jusqu'au l'embarquement de seize heures.

    J'ai préférai faire un tour en ville et manger du poisson grillé Chez Youssouf, une gargote recommandée par le Routard et autres guides de voyages. Sur le chemin je tombe d'abord sur une gare ferroviaire abandonnée. Ça doit être la gare du Chemin de fer Français pour Adis Abeba. Depuis qu'il était rénové il s’appelle Le chemin de fer Chinois. Il devrait y avoir une nouvelle gare ailleurs. Ensuite je longe la déserte Avenue de la République bordée de bâtiments administratifs, jusqu'au Parlement. Ensuite c'est quelques rues avec des immeubles coloniaux et puis le Quartier No 1, une sorte de bazar composé de taudis. Pas évident de trouver le restaurant. Est-il nécessaire de rappeler que le Navigateur de mon téléphone m'est inutile. Je ne peux pas me permettre d'activer l’itinérance de données.

    Un jeune homme m’avait abordé, d'abord pour me montrer le meilleur angle pour la photo de la mosquée, la mosquée Al-Hamoudi. S'il connaît Chez Youssouf ? Bien sûr, c'est son cousin. Il est mort l'année dernière mais le restaurant fonctionne pareil. J’allai me faire arnaqué, pourtant j'ai accepté me faire guider par Momo. Quelques petites minutes de zig-zag dans le dédale de ruelles et passages entre les bicoques et nous voilà devant la Moukbassa, le Chez Youssouf. C'est lui qui a négocié le prix. Exorbitant. J'ai lui proposé de partager le repas, il préférait que je lui achète du lait pour les enfants. Lait pour les enfants, bonne stratégie. Qui peut refuser ! Après le repas il m'avait guidé jusqu’à la sortie du quartier, déclaré que le magasin qui vend du lait est fermé et m'avait demandé des billets. J’espère qu'il avait fait bon usage de l’argent facilement gagné.

    L’essentiel c'est que j'ai bien mangé. Du poisson grillé accompagné d’une galette de pain en 3D et des sauces pour le tremper. Dans un cadre on ne peux pas plus authentique, accompagné d'un beau parleur.

    Je tenais de prendre des photos des gens. Pas facile. Certains acceptent, comme le vendeur de kat. D'autres refusent. Sur une place j'ai pris discrètement trois jeunes femmes. Elles se sont aperçues et m'avaient demandé d’effacer la photo. Je leurs l’avais montré et essayé de parlementer. Elles étaient très jolies, avec leurs vêtements colorés. J'ai convainquis deux, la troisièmement était inflexible. J'ai effacé. Dommage, la photo était vraiment à leur avantage.

    De retour au Sheraton j'ai eu le temps de piquer une tête dans la piscine. J'ai identifié mes premiers compagnons de croisière quand le bus est venu nous chercher pour nous amener au port. Lucy est ancrée dans la rade, on y accède avec les annexes.

    Djibouti est un port franc, on y voit un tas de bateaux et embarcations traditionels différents.

    On est douze clients, dont onze plongeurs. Mais il y a aussi le propriétaire avec ses trois fils. Plus ses invitées, qui nous ont rejoint le lendemain au large des ils Moucha: une dame volumineuse, vraisemblablement sa sœur, avec une fille de neuf ans et un couple d'anglais avec deux petits garçons, apparemment de même age que la petite fille. L’équipage consiste d'une dizaine de personnes, ils nous ont pas été présenté comme s’est l’habitude. Chose bizarre, on a aussi une masseuse à bord, très discrète. Je dis bizarre, parce que je n'ai rien compris.

    Nos cabines sont au pont inférieur. Confortables, avec salle de bain mais rien pour accrocher les serviettes. Je partage la mienne avec Jack, un marseillais, ancien marin qui n’arrentait de parler. L'espace plongée est au deuxième pont, avec la salle à manger et encore en avant deux cabines et les cabines de l’équipage. Au troisième pont il y a l'espace de vie avec le bar, le salon télé pour les briefings et tout en avant le poste de pilotage. Sur le "sun deck" il y un deuxième poste de pilotage et au milieu: la table de massage. J'ai vu la masseuse une seul fois à l’œuvre: masser un des garçons.

     Comme d'habitude j'ai réservé un bloc de 15 litres. Cette fois si je n'ai me suis jamais trouvé en manque d'air. Il faut dire qu'on n’a pas plongé profond. Ainsi j'ai fais presque toutes les plongées en plus de 50 minutes, la plus longue de 65. Il y avait trois annexes: deux zodiaques et un felouque. Les zodiaques sans échelle. Au début, une fois déséquipé du bloc et de la ceinture, il fallait deux hommes pour me hisser à bord. Ensuit un seul suffisait. Néanmoins je n'ai jamais eu la grâce de mon amie Cristina . Dommage que personne n'a pris une vidéo d'une de mes sorties de l'eau, surtout du début. J’étais ridicule, mais je ne suis pas susceptible. Ça aurait fait rire les enfants. On a fait quelques plongées directement du bateau.

    J'ai fait toutes les plongées. 17 au total. La plongée où on a perdu le plongeur comptant pour deux, selon mon ordinateur. Une seule plongée de nuit. Au total je suis resté sous la surface 14 heures 45 minutes. Une circonstance qui me remonte le morale: je n'était pas le plus âgé. Monique, ancienne guide de montagne et plongeuse depuis dix ans, avait mon age. Et mon ami George, ancien pilote de ligne, 73 ans, a déjà réservé la plongée en cage, pour voir les requins blancs, au Guadalupe au Mexique l'année prochaine. Donc je peux espérer encore des bulles.

    Les premiers plongées, c'était au îles Moucha et Maskali, à quelques encablures du port.

    Il faut dix heures de navigation, une nuit, jusqu'aux Sept Frères. Cet archipel est juste avant Bab-El-Mandeb, le détroit de l'entrée de la mer Rouge, entre Djibouti et Yémen. Yémen, d'où venait mon autre amie Hyewon, fonctionnaire de l'ONU à Sanaa. C'est juste à côté, mais elle a pris plusieurs vols: Sanaa-Amman-Istanbul-Djibouti. On a donc arrivé avec le même vol et attendu les visas ensemble. J'ai scruté les passagers en essayant d'identifier des plongeurs, elle n'a pas passé l'audition. Comme quoi un plongeur en civil ne se reconnaît pas facilement.

    Débarqué sur la Grande île des Sept Frères j'ai profité pour me faire photographier avec des pécheurs yéménites qui campaient là. Le propriétaire m'avais dit qu'il travaillent pour des djiboutiens, propriétaires des embarcations, mais il ne peuvent pas venir sur Djibouti. Pas de papiers. On est dans une réserve maritime protégée, mais la pêche artisanale est autorisée. Le propriétaire à profité pour tester sons dernier joujou: un drone acheté à Dubai. C'est impressionnants, ces bidules. Il l'avait envoyé de la plage observer le bateau, en recevant des images sur son iPhone.

    Chrétien orthodoxe éthiopien il était ravi de faire ma connaissance, il n’avait jamais rencontré un étranger orthodoxe. Même que la première fois je lui ai dis que mes grands parents étaient orthodoxes, moi je suis athée, il me parlait tout le temps comme à coreligionnaire. J’ai appris qu’ils fêtaient Noël le 7 janvier comme nous, les Macédoniens (et les Russes mais pas les Grecs). Par contre le Nouvel An c’est autre chose, le calendrier éthiopien est encore différent.

    De retour des Sept Frères on est allé dans le Golf de Tadjourah. Le repaire des requins-baleines. Je les ai approché uniquement en tuba. Ils étaient vraiment très nombreux. J'ai suivi un et je suis resté seul avec lui pendant de longues minutes . Ce n'est pas une rencontre de tout repos. Il faut palmer, palmer, palmer. Il suit son chemin en avalant du plancton et rien d'autre ne l’intéresse. J'ai même fait un selfie avec lui.

    Le soir, attirés par la lumière des réflecteurs il viennent se gaver autour du bateau. On peut les observer toute la nuit . Des fois un, des fois deux, des fois trois. Certains sont allés nager avec. Gorges m'avait dit qu'il est allé seul dans la nuit, vers deux heures du matin. Du bateau on a pu observer des calamars chasser et même une famille qui avait l'air de se promener . J'ai pu admirer aussi, dans la nuit, les oiseaux picorant des petits poissons .

    Pour aller dans l'anse du Ghoubbet il faut traverser le goulet, une passe avec des forts courants, redouté par les marins. On y est entré tôt le matin, encore nuit, et sortie le jour le lendemain. A l’étale. L’intérêt du Ghoubbet, à part les histoires de monstres qui l’habitent et qu’on n’a pas cherché à voir, est dans la plongée dans la faille. La faille qui sépare les plaques tectoniques de l’Afrique et de l'Asie. Je n’ai pas cherché à savoir si la faille est identifiable à terre aussi. Possible.

    Dans la gallérie j'ai regroupé les images sous-marines sellons sujets, pas par ordre chronologique ou géographique.

    Au retour dans le port de Djibouti on observe l'appareillage d'un gros ravitailleur américain. J'étais surpris de voir comment plusieurs vedettes prêtes à tirer se chargent d'interdire toute approche. Les embarcations des locaux doivent se tenir bien à l’écart, le rafale est vite parti.

Il y a aussi un autre bâtiment de guerre dans le port, je n'ai pas pu savoir de quel pays. A l’aéroport on voit des avions de transport militaires. En mer on était, pas nous spécialement, survolé par des hélicoptères et des chasseurs. On est dans un point on ne peut plus stratégique. La Somalie est à vingt kilomètres, le Yémen aussi. Le détroit de Bab-el-Mandeb, contrôle l'entré de la Mer Rouge. Au Sept Frères on voyaient les cargos de et en direction du Canal de Suez. On m'a montré l'emplacement oł les Chinois construisent leur première base à l’étranger. J'ai l'impression que Djibouti c'est Casablanca, quatre-vingt ans plus tard.

    Le dernier soir le propriétaire nous ait invité dans un beau restaurant, le Kuriftu. Pour se racheter. Il n'ai pas venu manger avec nous, il est apparue à la fin. Cette fois si il ne m'a pas adressé la parole. Normale. Dans le questionnaire de satisfaction j'ai coché la case « Je ne recommanderai pas cette croisière ». D’habitude se questionnaire est anonyme, ici il fallait le signer. J'ai pris le même poisson que Chez Youssouf. Aussi bon, dans un cadre différent.

    Pour le retour on quitte le bateau vers 10 heures et je suis arrivé à la maison à minuit. Au décollage d’Istanbul j'ai pu admirer la vue nocturne de la Corne d'Or.

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