Turquie, ma première croisière à voile
Depuis le temps qu'André Puill, mon ami et collègue, me faisait saliver avec ces aventures en Méditerranée et aux Antilles, j'ai enfin fini par monter une combine pour partir avec lui. André organise tout: loue le bateau, choisit l'équipage, s'occupe des billets d'avion, commende les provisions, fait l'inventaire au début et à la fin, partage les frais à parts égales. En contrepartie il est le seul commandant à bord, à l'autorité incontestable.
C'était une croisière de deux semaines, aux départ de l'île de Rhodes. Pour y aller il y a l'avion Paris - Athènes - Rhodes. Moi j'avais fais plus compliqué. Avec la caravane j'avais d'abord amené la famille à Skopje, ensuite j'avais pris le train pour Athènes et le bateau pour Rhodes. N'empêche, je suis arrivé le premier et réceptionné les provisions. On est sept sur "Santa Maria", un voilier de onze mètres.
La ville de Rhodes est une usine à touristes, on a hâte de partir. Ca fait de l'effet, surtout la première fois, de larguer les amarres, sortir doucement du port, le laisser derrière soi et se faire aspirer par le large. Au moteur pour les manœuvres, on hisse les voiles ensuite si le vent convient.
Quand on voyage en voiture ou en train on voit le monde en 16/9. En bateau c'est différent, 32/9. Autre chose: en voiture, en train, en avion à la frontière vous montrez le passeport, vous passez la douane et c'est après que vous pouvez aller où vous voulez. En mer ce n'est pas pareil. On arrive à Marmaris dans l'après-midi, trop tard pour les formalités. Alors on va dîner en ville, Marmaris est une sorte de petit St-Trop turque. Le matin André et moi, avec tous les passeports, nous partons chercher les bureaux de la police, des douanes et le service médicale, dans trois point différents dans la ville.
D'abord on part vers le Nord, direction Datça. Première étape, la crique Byzantine. On est trois bateaux et personne d'autre. La Baie Bozuk, à part le petit bistro, est désertique en ce qui concerne le paysage et la fréquentation. Notre skippeur, quand il entre dans une baie vise le bistro, c'est pourquoi on est mouillé juste en face. C'est très pratique, pour boire un coup. Ici ou ailleurs, l'ouzo coule à flots.
André trouve qu'il n'y a pas assez de vent et met le cap au Sud. Direction Ekinçik avec la ville antique de Caunus, à laquelle on accède en barque en traversant un entendu d'eau couvert de roseaux. Sur les flancs de la montagne on voit des tombeaux Lydiens. En haut des tribunes du théâtre antique une de nos équipières, envoûtée par l'esprit du lieu, improvise un numéro, très réussi.
Fethiye est la grande ville du coin, avec des tombeaux Lydiens, dont un visitable. A l'intérieur il y a une pièce vide.
L'étape suivante est Kastellorizo, l'île grecque la plus éloignée du pays et à quelques encablures des côtes turques. Dans les années vingt l'île était à la mode, haut lieu de la jet-set de l'époque. Il n'y avait pas de jets mais des yachts dans le port. Aujourd'hui les trois quarts des maisons, au bas mot, sont en ruine, abandonnées. Telle quelle est, l'île a tellement du charme.
Après Kastellorizo on revient en Turquie et on s'arrête à Kas et Kalkan. Je suis surpris de ne pas voir de poissonneries. On m'explique que les gens ici vient de l'intérieur du pays et ne savent pas pêcher.
De
Fethiye à Lindos, sur Rhodes, on fait une traversée
d'une dizaine d'heures. C'est la première fois que je me
trouve au milieu de la mer, sans terre à l'horizon. Dès
fois c'est comme dans les histoires d'aventures. Un moment, au loin
il est apparu un bateau. André s'agite, il faut faire
attention à la collision. La mer est grande et il y a que lui
à l'horizon. Et ben, on s'est croisé à 300
mètres! Avant de partir André a calculé le cap.
On se relaye à la barre. Au bout de quelques heures il nous
dit de rajouter 5°, à cause du vent. Quand l'île de
Rhodes apparaît on tombe pile sur Lindos. J'admire ce vieux
loup de mer, notre skippeur. Quand je pense que Marie-Jo le
traitait de marin d'eau douce.
Lindos est une île de carte postale. La forteresse, avec le temple antique et l'église byzantine, est au sommet. Le village est au milieu et le port au niveau de la mer. Ici aussi, dans la journée, la plage c'est l'usine, approvisionnée par les cars de touristes qui viennent de la ville de Rhodes.
La croisière se termine là où elle avait commencé, dans le port de Rhodes, après le passage entre les deux colonnes au cerf et à la biche, à l'emplacement (supposé ???) des pieds du colosse. Pour terminer le voyage il y a aussi l'avion pour Athènes, le train pour Skopje et la voiture pour Paris.