Plongée dans le Yucatán
(Ce texte a été écrit pour "Le troisième étage", le journal de la Section Plongée de l'ASCEA de Saclay.)
J'ai rédigé cette bafouille dans
l'avion de retour, pour tuer le temps et en espérant donner quelques éléments
utiles à ceux qui, comme moi, voudraient combiner la plongée avec les autres
plaisirs du voyage en individuel. Contrainte supplémentaire: partir accompagné
du conjoint qui ne plonge pas. Yucatán n'est pas loin de l'idéal et en deux
semaines on ne s'ennuie pas, d'ailleurs en 14 jours j'ai fait 7 plongées et on
a usé 10 hôtels. Question plongée les atouts sont: la grande et riche barrière
de corail, la transparence de l'eau et les cenotes. Les cenotes sont des
réseaux de grottes ralliées par des dizaines de kilomètres de rivières souterraines. Il
n'y a pas de rivières dans le Yucatán, toute l'eau s'écoule sous terre. Sur les
1500 km que l'on a faits, les seuls ponts traversés étaient ceux qui rallient
les îlots de la lagune de Cancun.
Un rapide coup d'œil à Cancun et on
prend le ferry pour Isla Mujeres. Plus tard, à Mahahual, le "dive
master" m'avait dit qu'ils avaient remarqué que les américains préfèrent
la zone hôtelière de Cancun et les européens l'intérieur. Je ne lui ai pas
expliqué. Isla Mujeres est très touristique aussi, mais à la taille humaine.
Première plongée aux "Grottes des requins dormeurs". Le "dive
master" estime à 25% la probabilité de voir des requins. On est tombé sur
les 75%.
Je m'en doutais, mais j'espérais un peu. Dommage.
La
deuxième plongée nous a réservé une rencontre avec une grosse et belle murène
verte. Et avec un bat fish, un poisson à pattes, d'une quinzaine de centimètres. La visite du
parc naturel d'El Garrafôn a permis à Véra, à l'aide de quelques biscuits, à
PMTer, plutôt MTer, dans 50 cm d'eau entourée de centaines de poissons
tropicaux.
J'ai vu dans le numéro mars - avril
de la revue "Océan" un article sur Mahahual, un village de pêcheurs
du bout du monde où des jeunes français ont installé un centre de plongée. On y
est allé, ils n'étaient pas là, un message disait qu'ils reviendront le lendemain
après-midi. On a changé de crémerie, quelques kilomètres plus loin. Oui, mais le vent!
Mauvais. Mauvaise direction, pas de visibilité, pas de plongée.
Alors on s'est
payé une excursion à Laguna Bacalar, au Cenote Azul, à cent bornes de là. Un
trou d'une cinquantaine de mètres de diamètres et 90m de profondeur, rempli
d'eau douce. On est descendu à 26 mètres. Bien, sans plus. Visibilité comme à
Dinard et pas grand-chose à voir. Mais baignade très agréable, vu la canicule.
Pendant trois jours le vent soufflait,
toujours dans la mauvaise direction.
Pour consolation PMT à la barrière de
corail, à part la friture tropicale: une murène, poissons ballons, une raie,
une poulpe, poissons aiguilles, tout ça à un mètre de profondeur. Et beaucoup
de petites méduses de forme et de taille d'un dé à coudre, couleur marron
foncée. On m'avait dit qu'il y avait aussi des langoustes, j'en ai beaucoup
cherché, j'en ai pas trouvé. Ce doit être pas mal de l'autre côté de la
barrière, surtout quand on a vu les pêcheurs ramener un requin d'environ un
mètre et quart, et cinq petits d'une trentaine de cm.
Le quatrième jour on ne
peut plus attendre, on remonte de 200 km et on visite la troisième ville Maya:
Tulum. Sylvaine disait que la plage seule valait le détour. Ce n'est pas souvent qu'on
peut combiner la visite d'un site archéologique avec la plage.
Le lendemain - le pied. Imaginez la
nationale, en ligne droite à travers la jungle, des kms sans âme (humaine) qui
vive. Des fois un paysan à pied avec machette ou à vélo avec un fusil sur le
dos. Du coup, au bord de la route: Dos Ojos Diving, l'air aussi désolé que
Bagdad Café. J'en ai rêvé, mais j'ai lu qu'il fallait avoir une quarantaine de
plongées pour y aller. En partant j'ai dit à Didier: "Il faut que je le
fasse, même si je me noie!". Je paie et ils ne me demandent rien de plus.
Ce n'est pas ici que je vais rentabiliser ma carte CMAS. On monte sur un
"jungle buggy", une vieille chassie sans carrosserie, on fait plusieurs kilomètres
de piste dans la jungle jusqu'à une clairière avec une paillote où ronronnent
un petit groupe électrogène, une autre où un jeune Maya vend des
rafraîchissements et un trou d'un mètre et demi de diamètre. On descend d'abord
le
matériel avec une corde accrochée à une poulie et nous ensuite, par une
échelle. Une dizaine de mètres plus bas on est sur un échafaudage, dans une
salle souterraine inondée. On s'équipe et on y va. Des grottes à moitié ou
entièrement remplies d'eau, des tunnels. Des stalactites, stalagmites, colonnes
de quelques cm d'épaisseur et plusieurs mètres de hauteur, isolés ou en
rideaux. L'eau d'une telle transparence que on se croit planer dans l'air.
Le
rêve d'Icare réalisé dans le royaume d'Hadès, avec le coup de pouce de
Poséidon. On vole. Surtout quand on maîtrise bien, comme moi, le poumon
ballaste. Des coups de poumons et de palmes et on se balade dans ce monde
souterrain, des fois éclairé par nos phares, des fois par des grandes ou
petites ouvertures. Des lumières bleues - vertes. On sort "speechless". Et je ne me suis pas noyé!
J'ai fait aussi un "double tank" à Cozumel. Le premier dans un tombant, où j'ai rencontré ma première langouste, petite. Le deuxième dans un jardin de corail où j'en ai vu une vraiment grosse. Majestueuse. J'ai décidé de ne plus en manger. Ce qui est fascinent, c'est la transparence de l'eau. On est dix plongeurs, on se promène librement, tout en dérivant avec le courant, qui est assez fort, quand même. On surveille facilement les colonnes de bulles des autres. On se croit dans un aquarium géant. En remontant, entre deux eaux, rencontre avec un être transparent, de quelques centimètres, qui n'est pas une méduse. Je ne sais pas ce que c'est.
Et on mange bien. Piquant, très piquant mais jamais assez. Il paraît que ça chasse les moustiques. A Cancun attention à l'arnaque. A l'intérieur, où ils font la bouffe pour eux, c'est super. Il faut viser le marché ou la gare routière. La malédiction de Montezuma n'est qu'un mythe. J'ai tenu ma promesse sur les langoustes jusqu'à l'avant dernier jour.Il faut noter les nombreux barrages militaires au sud, à partir de Felipe Carrillo Puerto. Et pourtant, Chiapas, c'est loin. Au premier abord ce n'est pas spécialement contraignant pour le touriste, même amusant. L'exotisme de l'Amérique Latine. Mais au Cenote Azul j'ai bavardé avec une jeune étudiante, fille de militaire. Elle m'a appris l'expulsion de 12 journalistes étrangers. En résumant son propos, elle trouvait louche cet intérêt des étrangers pour le sort des paysans Mayas, et que de toute façon même s'ils sont les descendants de ceux qui ont construit les pyramides, c'est pas les mêmes personnes. Elle n'était pas d'origine Indienne, elle était Mexicaine. J'étais très déconcerté d'entendre ce discours, que je connais trop bien, du feu Milosevic de la bouche d'une sympathique et mignonne jeune fille, en maillot de bain, au bord du cenote. Au retour j'avais un regard tout différent pour les mômes en uniforme, avec des flingues plus grands qu'eux, qui soulevaient le capot de ma coccinelle rouge. Et bien, je me rappelle mon collègue de queue du ferry de l'Isla Mujeres, avec lequel on a échangé beaucoup de compliments sur le Mexique, mais qui disait que concernant la politique qu'il vaut mieux garder sa langue dans sa poche. Alors je fais de même et je termine.