Bahia de Los Angeles, le retour,
J'étais tellement ébloui par
BLA lors de mon premier séjour, qu'il fallait absolument que j'y revienne.
C'est toujours aussi loin. En partant de LA il y a deux jours de route, avec la
halte à Ensenada, et deux de retour, pour quatre sur place. Il faut vraiment
aimer.
Déjà la traversé
interminable de LA, presque une heure de la 405, avant qu'elle devienne la 5.
L'obligatoire souscription de la complémentaire assurance mexicaine et la rapide
prise de connaissance des conditions rajoutent à l'angoisse provoquée par le
voyage vers ces contrées du bout du monde. Ne parlons pas d'accident, même un
incident mécanique, une mauvaise rencontre, y compris avec des flics, peut
avoir des conséquences peu agréables, voir catastrophique.
Serais-je
dimanche prochain à 19 heures dans l'avion pour Paris, après avoir rendu cette
voiture, que j'ai eu avec neuf milles au compteur, en bon état? C'est le deuxième
jour, après la traversée d'El Rosario, que je commence à me sentir mieux. Il
y a d'abord ce panneau routier à la sortie de la
ville, qui se révélera faux d'ailleurs. Et la forêt de cactus qui commence
tout de suite après, avec le premier vautour sur un animal écrasé sur la
route.
Ça y est, j'ai retrouvé mon rêve!
Première surprise, dès
l'apparition de la baie: les îles sont dans le brouillard! En juin? J'y vais
directement au Gecko, voir si George est là et organiser les plongées. Grosse
déception: sa maison est fermée et inhabitée. Il est rentré à San Diego. En faisant le tour des
endroits susceptibles, j'espère trouver une autre solution. Déjà Rachel's camp est le seul
où on peut trouver des
bouteilles. Dans quel état? Il n'y a aucun espoir de repérer un partenaire, je suis toujours le
seul plongeur potentiel en ville.
Les prix ont beaucoup augmenté au Villa Vita. Je m'installe au Casa Diaz, des blocks de chambres sans air-conditionné, mais directement sur la plage. Vingt dollars par jour. Je découvre que le progrès arrive, doucement, au BLA. Maintenant la centrale électrique fonctionne de 6h à minuit.
Tant pis pour la plongée, le
lendemain matin, à six heures, j'y vais au Gecko et je prends un kayak.
Si j'ai
du pot, je réussirai, peut-être, à dénicher un requin-baleine. Sur une mer
d'huile je traverse le côté sud de la baie, pas un soupçon d'aileron. Après
avoir aperçu une otarie solitaire j'arrive aux deux petits îlots rocailleux,
les plus proches, habités par des oiseaux de mer: pélicans, mouettes et canards
sauvages.
Une fois accosté, je découvre les autres habitants, les plus
nombreux. Des millions d'insectes, une sorte de punaises, courent dans tous les
sens.
Ils doivent se nourrir de la fiente des oiseaux. Le vent commence à se
lever et la mer s'agiter, très légèrement. J'y vais à la plage à l'épave,
que je connais de l'année dernière, laquelle est bien abritée et je passe la
journée là-bas. J'ai bien repéré Gecko et je ne me goure pas au retour.
Cette fois, le hasard le veut,
je rencontre plus de gens, intéressants. Abraham, le owner du Gecko,
m'explique qu'il est un peu tôt pour les requins-baleines, l'eau est encore
froide pour eux. Ils arrivent à partir de juillet, jusqu'au fin décembre. Au
cours d'une sortie en mer on peut rencontrer une douzaine. Punaise !!! Je commence à
comprendre que j'étais lucky men l'année dernière. A l'hôtel je parle
avec Bill, d'Orange County, qui a une baraque juste à côte et qui vient
depuis trente ans. Il m'apprend qu'il y a actuellement deux dans la baie, mais
que cela nagent sous la surface, on ne voit pas les ailerons. On les repère
par le sillon qu'ils laissent dans l'eau.
Il me dit qu'ils peuvent venir très
près de la côte, en saison on peut les voir même devant l'hôtel. Je profite
de ses connaissances et je lui montre la photo de ce que j'appelais "la
chose", prise au téléobjectif l'année dernière. C'est un rorqual, une fin
back. La baleine la plus grosse après la baleine bleue. La baleine morte était
un rorqual aussi.
Le soir une autre surprise. Un
vent méchant se lève. Il souffle vers la mer, apportant des quantités de
poussière. Toute la nuit et le jour suivant. Pas question de sortir en mer. A
l'hôtel je fais connaissance avec quatre gars de Tj (Tijuana). Lorenzo,
architecte qui habite Tj et travaille à San Diego, son beauf Marco, le fis
Lorenzo et le copain du fis Ildebrando. Ils sont venus pour la pèche et Brando
me propose de partir avec eux, ils vont louer un bateau. Pour moi c'est ok,
comme passager. Mais on n'ira pas. Il y a d'abord le vent et ensuite ils se sont
gourés aussi: ils voulaient pécher la dorade et ce n'était pas la saison. En
ce moment les dorades sont plus au sud, à Mulege (prononcer muléhé), une
journée de route.
Dans l'après-midi notre bande
s'agrandit: quatre jeunes étudiantes anglaises arrivent dans une voiture déglinguée.
A la fin de leur année dans le Colorado, elles ont acheté, pour pas cher,
cette épave et parties en vacances. Evidement elles ont tombées en panne,
cassée quelque chose, et se sont fait remorquer jusqu'ici. Lorenzo négocie
avec le garagiste, qui se rappelle qu'il y a une épave du même model, quelque
part à l'autre bout du village, et si la pièce n'est toujours pas retirée, il
pourrait la récupérer. Si non!
Ça finira bien et pas cher. Par contre elles ne
savaient pas qu'il n'y a pas de banque à deux cents bornes à la ronde. Lorenzo
les emmène à Guerrero Negro, ça leurs fait une excursion.
Plus modestement, moi je décide
de faire une promenade dans l'arrière-pays, une micro traversée du désert. Un
coyote traverse la route, je me gare, je prends une photo d'assez loin, je sors
et j'essaie de m'approcher. Il se sauve. Je suis mauvais. Je marche parmi les
cactus et je dérange un lièvre, qui s'enfuit. C'est beau, mais on n'est jamais
loin d'une boite de conserve rouillée, une bouteille en verre cassée, ou quelque
chose en plastique. Mais c'est la nature qui me fera rentrer plus tôt que
j'aurai souhaité. Je suis en sandales et je me ramasse plusieurs épines qui
traînent par terre. Elles sont très douloureuses à retirer, on croit qu'elles
sont en forme d'hameçon, ce qui n'est pas vrai.
Je ne perds pas l'espoir de
voir les requins-baleines. Les deux derniers jours je prends le kayak tôt le matin
et je sillonne le fond de la baie. En vain. Le dernier jour, un moment j'entends
le grondement du souffle d'une baleine. Je ne la vois pas mais je me mets à
pagayer dans la direction d'où le bruit est venu.
Quelques minutes plus tard
elle ressorte, assez loin, et replonge. Je fonce encore plus fort. La troisième
fois est la bonne. Elle fait surface à deux cent mètres environs, difficile à
estimer. Enorme, comme un sous-marin. Elle à l'aileron sur l'arrière du dos et
replonge sans montrer sa queue. Un rorqual. Je ne le verrai plus. Je tourne sur
place encore une vingtaine de minute, je rentre doucement au Gecko, qui n'est
pas loin, j'observe la mer depuis la terre encore pendant un moment. Rien.
De retour à l'hôtel, les
autres m'apprennent qu'un pécheur leurs avait proposé une promenade en mer. Je les
encourage, c'est dix dollars par tête, pour trois-quatre heures. On part à
neuf. Il fait beau. On va au rocher des otaries. Le capitaine me propose d'aller
nager avec elles. Les autres soit ne montrent pas d'intérêt, soit n'osent pas.
Je vais dans l'eau à une trentaine de mètres d'elles. Je nage longtemps, mais je
n'arrive pas à les approcher. Elles s'éloignent, n'ont pas envie de jouer avec
moi. Tant pis.
On y va à la plage à l'épave.
J'apprends qu'elle s'appelle La Mona, il parait qu'une femme habitait
dans l'épave.
Ça
me fait drôle de voir cette plage que j'ai connue en Robinson,
envahit par dix personnes. Le pécheur attire notre attention sur la profusion
de coquillages, une sorte de grosses palourdes, à un mètre et demi de
profondeur. Je remplie un filet avec une dizaine de kilos, aussitôt prévenu que
ça fait beaucoup de coquillages mais peu de viande. Le soir Marco, un
connaisseur, les prépare avec du chili et lime. Je me régale, surtout moi. Ce
n'est pas beaucoup, mais les hot-dogs, c'est pas fait pour les chiens.
Lors du voyage dans le Yucatan
j'ai cru que les barrages militaires étaient érigés à cause de la situation
dans le Chiapas. Ce n'est pas vrai, il y en a aussi dans Baja, toujours dans la
direction du nord. A l'entré d'Ensenada ils fouillaient les voitures, sans
qu'on puisse se faire une idée de ce qu'ils cherchaient. Ils m'ont laissé
passer quand j'ai répondu que je venais de BLA.
Ma génération a été traumatisé par le mur,
ce mur qui séparait les peuples et empêchait les gens de circuler librement. A
l'époque on ne parlait pas d'expulsions d'étrangers dans les media, le terme
"sans papiers" n'existait pas et le visa Schengen n'était pas encore
inventé. C'est pourquoi le mur de Tijuana m'attire et fascine, ce mur
sympathique qui protège des pouilleux. J'ai fait un long détour pour pouvoir
l'admirer.
Pour aller d'Ensenada à Tijuana j'ai passé par
Tecate, j'avais vu sur la carte que la route de Tecate le longe. Je me suis
trompé, on ne le voit pas de la route. Arrivé à Tijuana, avant de comprendre
quoi que ce soit, je me retrouve dans le fil de passage de la frontière. Alors
je l'approche du côté américain.
A
Los Angeles il ne faut surtout pas rater le Royal
Seafood Buffet du LightHouse,
le restaurant japonais. C'est facile: On sort de la 405 à Santa Monika Bld. On
prend le boulevard jusqu'à la mer, au bout on tourne à droite et la première
à droite c'est Arizona Avenue où on trouve le resto à une centaine de
mètres sur la gauche. Il faut se débrouiller pour le parking. Attention: le
soir ils ferment à 9h30. C'est moins cher à midi:10$ + tax + tip, et le soir
17$ + tax + tip, si on ne boit que de l’eau.
Quoi qu'on dise, quand on est parti plonger et on rentre bredouille, comme moi cette fois ci, il y a, au moins, un avantage. On n'a pas à rincer le matos. Et on apprécie encore mieux quand on a un décalage horaire à récupérer.