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Weekend à Moscou.

     Vera avais 60 000 miles à liquider chez Flying Blue, le programme de fidélité d'Air France. Le nombre de destinations, en aller retour pour deux étant assez limité, on a choisie Moscou pour un week-end prolongé fin octobre. Une remarque: les billets sont gratuits, pas les taxes d'aéroport. On a payé 125 € par personne. Pour les mêmes dates, les billets d'Austrian valaient une centaine d'euros de plus. Avec correspondance à Wien.

    Une fois les billets réservés, le problème de visa se pose. C'est le seul élément un peu désagréable du voyage. Il y a deux moyens de l'obtenir: soit payer un intermédiaire, soit aller le chercher soi-même à l'Ambassade . On a opté pour la deuxième solution, on n'est pas snob pour payer quelqu'un à faire la queue pour nous. En effet c'est pas facile. Ils reçoivent entre 9h et midi. On fait la queue dans la rue et on entre par petits groupes, le dernier vers 11h30. On a du se prendre en trois fois pour comprendre. Il faut arriver devant l'Ambassade vers 6h pour entré avec le premier groupe à 9h. 6h15 c'est trop tard. Les compagnons de queue vous consolent en vous rappelant qu'à Moscou pour le visa français c'est pire.

    En cherchant sur le net j'avais constaté qu'à Moscou les hôtels en centre-ville sont hors de prix. J'ai réservé une chambre à l'hôtel Ibis. Ce n'est pas loin du centre, mais c'était à environs 700 mètres du métro. Ainsi on sortait le matin et on rentrait vers 18 - 19 heures, déjà fatigué. On a plus vingt ans et on n'a pas pu profiter des nuits folles de Moscou.

    La ville

    La première chose que m'avait impressionné à Moscou, surtout en centre-ville, c'était la largeur des grands artères, où la voiture est roi. Les camions citernes qui nettoient les rues vont par plusieurs en parallèle, on a vu jusqu'au cinq. Pour la mise en fourrière, c'est pareille, par quatre. Je ne sais pas s'ils avaient inventé ça tout seuls ou ils avaient copié le baron Haussmann en se disant qu'ils peuvent faire encore plus fort. C'est inhumain. Tant que vous restez sur le même trottoir ça va. Si vous voulez changer, c'est la galère. Les passages cloutés sont rares, on traverse les rues par des passages souterrains, forcément plus espacés. En banlieue ce n'est pas pareille.

    Le résultat c'est, si j'ai bien compris, qu'il n'y a pas un vrai centre-ville à Moscou. Pas dans le sens traditionnel. Même la fameuse rue Arbat. En effet il y en a deux. Le Nouvel Arbat, rue commerçante, moderne et non traversable et l'Ancien Arbat piétonne remplie quasi-uniquement de magasins de souvenirs. Les mêmes souvenirs soviéto-nostalgiques partout. Quand on a vu un, on les a tous vu. Par contre, et contrairement à d'autres pays, les symboles de l'ancien système sont partout: la bibliothèque, sur le bâtiment du FSB (ex-KGB, dans le même immeuble) et autres, dans le métro, des plaques commémoratives. Des symboles extrêmes et caricaturales du nouveau régime sont partout aussi, sans oublier les pubs pour les parfums français (Rive Gauche, pour ceux qui ne connaissent pas le cyrillique). Ou pour le médecin de famille, vignette à droite. Quelque ruelles plus loin on trouve le cordonnier et les boutiques pour le petit peuple en banlieue. Ils fêtent toujours le 4 novembre, le jour de la Révolution d'octobre, mais maintenant c'est le Jour d'Unité Nationale. Dans la cour de l'école du quartier, à côte de notre hôtel, pour l'éducation patriotique des bambins, il y avait un T34 du WWII.

    On avait remarqué aussi les gouttières que je crois chauffantes.

    Le métro

    Le métro de Moscou est différent de celui de Paris. Plus fatigant: les stations sont plus éloignées, toutes les correspondances sont longues et les stations plus profondes, comme le RER parisien. Mais le métro moscovite couvre une surface beaucoup plus étendue. Imaginez le métro parisien avec un rayon de 10 km au lieu de 5, avec le même nombre de stations! Dison que le métro moscovite est soviétique et le parisien élitiste: confortable pour les bobos parisiens, tant pis pour les banlieusards. Bon, je ne connais pas les autres métros. Apres réflexion, je crois que les pluparts des réseaux dans le monde sont "soviétiques".

    Tout le monde est au courent de la splendeur des station du métro de Moscou. Qu'elles sont en marbre, avec lustres imposants, des statues et décorations diverses. Un tas de statues, en bronze, à thèmes patriotiques. Un phénomène peu connue est le rapport un peu quasi-religieuse des moscovites envers cette décoration. On a d'abord remarqué le museau luisant du chien du garde-frontière. En passant, une passante a levé le bras et effleuré le museau. Voilà comment ça se passe: ! Une personne sur dix (et même si c'était sur vingt) fessait de même. Abasourdies, on observait pendant un moment. Le geste rapide, automatique, sans regarder le chien. J'en suis sûr que si, une dizaine de mètres plus loin, on aurait demandé à la personne si elle avait touché, elle saurait pas répondre. La même chose avec la grenade du soldat ou le revoler de l'autre. Par contre, pas de trace de mains sur la jeune et frêle lectrice

    Je n'ai pas pu savoir quelle est la fréquence des rames tard le soir, mais quand nous les prendrions, y compris le weekend, elles passaient toutes les trois minutes. Appréciable

    La Place rouge

    La Place rouge c'est comme tous les sites mythiques: les Pyramides, le tour Eiffel, Le Grand Canyon. Tout le monde les connait, on a lu des descriptions, on a vu des images et films. Pourtant, quand on se trouve devant: WOW !!! La réalité est encore plus spectaculaire. Du fait des 360°, je crois. Et la présence: la lumière, les bruits, la brise. J'ai eu souvent ce sentiment, j'essaie de le formaliser et décrire ici. Pas facile.

    Côté Nord-Ouest il y a d'abord le Musée Historique, le grand bâtiment rouge, que je pris (je ne sais pas pourquoi) pour l'Archevêché et qu'on n'a pas visité. A sa gauche, une jolie petite église, petite par rapport aux autres. On n'est pas entré. J'ai lu après que c'est la Cathédrale de Kazan, avec une histoire singulière. Restaurée entre 1925 et 1930, au début du règne de Staline, il l'avait fait rasé en 1935 pour faire la place aux défilées. Elle a était reconstruite sous Eltsine. Justement, sur la Place je me demandais comment ils faisaient pour faire défiler les missiles intercontinentaux par deux et les chars par six en parallèle, qu'on voyait à la télé? On y accède par une rue étroite. En effet, la porte de la Résurrection, détruite en 1931 a était reconstruite en 1995.  Maintenant il y a un seul accès à côté gauche du Musée Historique et les fusées ne défilent plus par paires ni les chars par six.

    Ensuite il y a le GUM. Je ne sais pas comment c'était, à l'époque soviétique, quand c'était le grand magasin. Aujourd'hui il abrite un millier de boutiques de mode. Si vous voulez avoir une liste exhaustive de toutes les grandes et moins grandes marques, c'est là que vous la trouverais. Contrairement à l'époque soviétique quand il y avait des queues sur tout les stands, je n'ai pas eu l'occasion de voir mais tous le monde le sait, aujourd'hui on était une centaine. Des badauds.

    La Cathédrale Saint-Basile-le-Bienheureux, est un bijou merveilleux. D'une beauté et d'une harmonie à couper le souffle. Pas besoin de guide, pas besoin d'explications. Il suffit de regarder, de l'extérieur et à l'intérieur, et de s'émerveiller. Les travaux de restauration gâchaient, un peu, le plaisir.

    Le Kremlin

    Derrière les murs imposants du Kremlin, les tours arborent des étoiles rouges et les portes des icônes. Je ne sais pas si les icones étaient là il y a quelque temps. A l'intérieur des murs étoiles et croix cohabitent harmonieusement. Au milieu il y a le mausolée de Lénine. On l'a toujours vu au premier plan et ici il a l'air tout petit. C'est la même impression qu'avec le Sphinx au Caire. Il y a au moins une heure de queue pour y aller, des touristes. A l'époque, il y a une petite vingtaine d'années, Eltsine, le Présidant démocrate qui a tiré au canon sur le Parlement, voulait l'enterrer. Il n'a pas osé. Maintenant c'est trop tard, les tour-opérateurs, qui sont plus influents que le Parti Communiste, ne le permettront pas. Nous, on avait pas prévus de lui rendre visite, je me disais que c'est con d'aller voir un cadavre. Quoique, aujourd'hui, je le regrette un peu. On aurait dû voir ça aussi.

    Au Kremlin, il y a quelque chose de plus intéressent à voir, à l'intérieur des murs: une église et trois cathédrales, sur la Place des Cathédrales. Entre parenthèses: (Suite à ma visite de la place du Registan à Samarkand, j'écrivais qu'on ne trouve pas dans le monde chrétien une place avec trois cathédrales. J'aurai du écrire: dans le monde chrétien non-orthodoxe.)

 

    Je n'ai rien retenu des faits, on peut tout trouver sur Google. Par contre, j'étais ébloui par la beauté raffinée de l'architecture vue de l'extérieur et de la décoration, icônes et iconostases à l'intérieur. Il est interdit de prendre des photos dans les églises, j'en ai volé quelques unes. Ils ont un bel astuce pour faire facilement monter le publique jusqu'en haut du Clocher d'Ivan le Grand, la plus haute structure du Kremlin. A l'entré commence une présentation de diapositives sur l'histoire du Kremlin, assez ennuyeuse, qui se poursuit de pièce en pièce, d'étage en étage. Ainsi, juste au moment que vous avez vraiment marre, vous vous retrouvez au sommet et là, une vue époustouflante s'offre à vous. La place, les cathédrales, les cloches, Moscou à perte de vue.

    Juste à côté des cathédrales se trouve le Palais d’État de Kremlin, un bâtiment moderne en marbre et verre, bâtie pour je ne sais pas le combientième congrès du Partie dans les années soixante. Aujourd'hui c'est la plus grande salle de concerts de Moscou. C'est bien d'avoir une salle digne pour accueillir le Congrès et les concerts, mais ils auraient pu la construire ailleurs. 

    Le quartier Zamoskvorechye

    De belles icônes, on a vu à Moscou. A la Gallérie Tretyakov un paquet d'icônes de XII siècle et une collection de Roublev. On ne peut pas prendre des photos, mis elle sont sur le net: . On reste bouche bée, ensuite on sature un peu. En sortant, on a fait un détour pour voir le monument de Pierre le Grand. Pourquoi? Pas du tout parce que, avec ses 96 mètres de haut, elle fait parties de 20 plus grandes statues au monde. Quelques jours avant notre départ j'avais lu que la municipalité de Moscou voulait la détruire. Trop moche. Ils ont raison. Pas loin se trouve le parc des héros déchus, qu'on n'a pas visité: ils mettent là le statues soviétiques déboulonnées. Je pense que celle de Pierre le Grand ne mérite même pas cet endroit. Trop moche. Sur l'autre rive, sur l'île Bolotny, on voit la cité artistique installée dans l'ancienne usine Octobre Rouge. Pendant un siècle elle fabriquait des confiseries, dont un arrière-goût d'enfance est resté dans les bouches des russes. Des éventuels lecteurs originaires de l'ancienne Yougoslavie comprendront si je dis: Bajadera. L'usine a eu, presque, le même sort que Renault Billancourt de l'île Seguin à Paris: le pouvoir actuelle n'aime pas trop de concentrations d'ouvriers en centre-ville. Presque, parce que Billancourt a été rasé, pas l'Octobre rouge. Du pont sur Moskova la vue sur Kremlin est superbe.

    De l'autre côté du fleuve il y a la nouvelle cathédrale du Christ Sauveur. La cathédrale du XIX siècle (construite en mémoire de la victoire de la Russie sur la Grande Armée de Napoléon Ier) était détruite par Staline pour construire le Palais des Soviets de 315 mètres de haut surmonté d'une statue de Lénine de 100 mètres. Le chantier était abandonné suite à l'invasion allemande. Après la guerre, sur les fondations, la plus grande piscine au monde était installée et la station du Metro Palais des Soviets fut rebaptisée Kropotkinskaïa. Eltsine a fait raser la piscine et fait reconstruire la cathédrale. Certains reliefs de l'ancienne cathédrale sont sauvegardées, des répliques sont posés sur l'actuelle. Bon, ce n'est pas la plus belle, même si elle était, théoriquement, reconstruite à l'identique. A travers les arbres, une église anonyme me paraissait plus authentique. J'étais déconcerté de voir de nombreuses jeunes femmes habillées moderne sortir un foulard et se couvrir la tête pour entrer prier. Ailleurs aussi, aux hasards des passages devant des églises, on voyait des jeunes hommes s'arrêter, se signer et continuer leur chemin.

    Novodevitchi

    Le monastère Novodevitchi a une particularité forte appréciable: on peut y arriver en métro. C'est aussi un très bel ensemble avec une collection d'icônes impressionnante.

    A côté, ce n'est pas le même site, on visite le cimetière Novodevitchi, une sorte de Père Lachaise moscovite. On y voie la tombe d'Eltsine. Elle lui ressemble. La statue d'une jeune fille de vingt ans est placée sur celle de mamie Raïssa Gorbatcheva. La famille Khrouchtchev est nombreuse. La tombe de la deuxième femme de Staline est fleurie, je ne sais pas quelle est la signification. L'équipage du TU 144 (le "Concorde soviétique") qui s'est craché au Bourget en 1973 y est aussi. Beaucoup de militaires, certains avec leurs munitions ou équipements. Un moment Vera c'est exclamée: "Voilà Kalachnikov!". Deux vieilles dames qui passaient par là nous ont fait signe: "No, no, il est toujours vivant!"

    La cuisine

    On est tombé par hasard, et ce n'était pas difficile parce qu'ils sont plusieurs et bien placés, sur la chaîne de restaurants MYMY (Mou-mou, l'onomatopée de la vache) avec la cuisine "comme à la maison". Très bon et proposé en libre-service. Comme ça on peut voir ce qu'on prend, les noms dans un menu ne pas disent toujours grands chose. J'ai appris à aimer le borchtch. C'est une soupe à base de betterave et des morceaux de viande. La recette est simple, mais difficilement reproductible chez nous. En effet il faut de la betterave crue, en France elle est toujours vendue cuite. Alors quand on la cuit une deuxième fois, même légèrement! Je me suis, aussi, régalé avec les jus naturels épais dont celui de griottes. Avec des fruits entiers. Hmmmm!

    Influencé par Lonly Planet, on est allé dans un bon restaurant, le géorgien Genatsvale sur l'Arbat. Bien, sympa, frustré parce que on ne comprenait que dalle. On a pris une sorte de chachlik. Avec du khatchypouri.

    Et évidemment, il y a l'incontournable Café Pouchkine. En effet il y en a deux, boulevard Tverskoy. Un restaurant genre Tour d'Argent et le Konditerskaya, la pâtisserie. On est allé au deuxième. Très romantique. On se croit dans un roman de Tolstoï ou Dostoïevski. Vera a beaucoup appréciée le chocolat chaud. Très épais.

    Les russes

    Pas de contacts avec la population. Ce qu'on remarque dans la rue c'est que les russes sont mal élevés, surtout comparés aux français. Quand je suis arrivé à Paris, il y a plus de trente ans, j'étais surpris que les gens me retiennent les portes basculantes dans le métro, même quand ils me devançaient d'une dizaine de mètres. A Moscou faut faire gaffe, un moment d'inattention et vous pouvez recevoir une porte dans la gueule.

    Dans le métro, pour sortir de la rame avant que les portes se referment si vous ne bousculer pas les gens vous risquez de louper la sortie. Ce qui m'est arrivé, heureusement que les rames passent toutes les trois minutes! J'étais obligé de revenir de la suivante pour retrouver Vera, elle avait mieux compris les usages locaux.

    Fin

    Pour quitter Moscou, comme pour l'arrivée il faut prendre le tout nouveau métro rapide, qui part de la station Byelorusskaya, en une demi-heure, toutes les demi-heures. Il n'est pas possible de faire autrement. Par la route, à cause des embouteillages, le temps du trajet se mesure en heures. Combien d'heures? Ça dépend!

    En conclusion: en quatre jours à Moscou on ne s'ennuie pas et on est ravie d'avoir fait le voyage.

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