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Les Urgences, 

    Mon coup de gueule est à propos des Urgences en France. C'est une honte. On est je ne sais pas combientième puissance économique mondiale, de toute façon à un chiffre. On est la première en donneuse de leçons des droits de l'homme. Nuance: on est des champions en droits de l'homme, pas en dignité humaine.

    Bon, revenons au sujet! Je me sentais assez mal dans l'avion. On est rentré vers 13 heures à la maison et on a appelé notre médecin traitant. Il s'est alarmé des petits boutons rouges sur mes bras et jambes, que j'ai croyais des piqûres de moustiques. Il voulait que j'aille aux urgences pour faire les analyses, ça sera plus vite qu'au labo. Darko, mon fils, nous amène aux Urgences de Kremlin Bicêtre. C’est un hôpital universitaire. Voilà la procédure:

    J'y vais à l'accueil. Ouverture du dossier administrative. A 14h47. Carte Vital, adresse, numéros de téléphone. "Attendez dans la salle!" Quinze minutes plus tard on m'appelle dans une pièce où trois infirmières ouvrent mon dossier médical avec des questions appropriées et prise de tension. "Attendez dans la salle! Dès qu'un médecin sera libre on vous appellera!" Dans combien de temps, j'ai ma famille qui attend dehors? "Pas avant une heure." Je demande à Darko et Vera de rentrer, elle me laisse le portable et une bouteille d'eau. Au bout d'une heure et demie une jeune fille, médecin stagiaire, me reçoit, m'examine. Ensuite c'est le tour d'une jeune femme, LE MEDECIN, vers dix-sept heures. Elle m'explique que mes boutons sont en relief, pas comme ceux des moustiques. Elle ordonne une prise de sang pour tester le palu, même si le Pantanal n'est pas considérée comme concerné, la fièvre jaune, même que je suis vacciné et la dingue, même que je n'ai pas de fièvre. Au cours de la prise de sang, trouillard que je suis, j'ai failli m'évanouir. On m'installe dans un brancard et on me range dans un couloir. Pour combien de temps? "On ne sait pas. On vous dira." Et on m'oublie.

    Je ne suis pas le seul. Les couloirs sont comme les rues parisiennes. Au lieu des voitures le long des trottoirs ici c'est les brancards le long des murs. Certains sous infusion. Sur un brancard ils aident un vieux monsieur à faire pipi dans un urinal. Le personnel médical cours dans tous les sens, débordé. Vous ne pouvez pas poser de questions, déjà vous ne savez pas qui et qui. Docteur, s'il vous plait ... "Je ne suis pas docteur, je suis brancardier." ou "Je ne sais pas, je suis le chirurgien." ou "Je ne suis pas de ce service."

    N-ième puissance économique! On se croit aux urgences de Kandahar. On ne pouvait pas investir dans trois-quatre chambres de plus pour ranger ceux qui patientent? On ne pouvait pas proposer quelque chose à manger et boire aux gens qui sont là depuis des heures?

    Je n'ai aucune idée si mes résultats peuvent arrivée dans la nuit, au petit matin, demain, la semaine prochaine... Vera, sans nouvelles, attend à la maison.

    Vers 23h, j'essaie de prévenir une infirmière que j'en ai marre et que je me sauve, pour qu'ils ne s'inquiètent pas quand ils vont découvrir mon absence. Elle me dit de patienter encore un peu, c’est presque fait. En s'éloignant je l'entends dire à une collègue: "Il y a un patient qui pète les plombs ..."  Bientôt un jeune médecin vient et me dit qu'ils ont les résultats et qu'il n'y a rien. "Je finis votre dossier et je vous donne les prescriptions." J'attends de nouveau. Entre temps Vera et les enfants sont venus dans la salle d'attente. Et j'attends, j'attends. Le personnel, y compris mon médecin, cours toujours dans tous le sens. Comme dans un film de Jacques Tati. Vers minuit je préviens de nouveau que je m'en vais. Le dossier arrive. "Je vous sors la fiche de sortie, et c'est bon." Combien de temps? "Tout de suite!" J'attends. Mes enfants poirotent dans la salle d'attente, ils travaillent demain matin. Un nouveau pétage de plombs et la fiche arrive. Après un échange d'excuses avec le médecin, vers 00h45 je sors des Urgence et je rejoins la famille. Enfin.

    Je pense au bon docteur Pelloux, je culpabilise un peu et je tiens à clarifier mon propos. Je ne dis pas du mal du personnel. Je sais qu'ils font ce qu'ils peuvent. Avec les moyens qu'ils ont. Il n'y a pas d'argent pour le service public. Il n'y a pas d'argent. IL N'Y A PAS D'ARGENT.

    Au même moment des Rafales, celui qui porte la bombe, ceux qui l'accompagnent et les ravitailleurs en vol décollaient vers l'autre côté de la Méditerranée, pour une mission de deux milles kilomètres. Le Centre de Commandement, avec son réseau de radars et des satellites, les suit et coordonne l'action avec des unités de sauvetage. Des hélicoptères avec des forces spéciales, sur des bâtiments en mer, sont en alerte. Prêts à décoller pour aller chercher le pilot en milieu hostile, en cas de pépin. Arrivé sur zone, le pilote appui sur le bon bouton, la bombe super sophistiquée est lancé. Elle détruit un char. Ou une maquette. Ou pulvérise un bâtiment. Vide ou avec des gens méchants dedans. Nos bombes ne tuent pas des gentils. Mission accomplie! La démocratie avance. C'est l'essentiel. Qui se soucie des Urgences de Paris ou de Tripoli! Les ministres et leurs familles, quand ils ont besoin, vont à Val-de-Grace.

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