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Le projet Skopje 2014  Lien Internet

    Il n'est plus possible de parler d'un voyage en Macédoine sans aborder le mégalo-parano projet Skopje 2014, appelé la lessiveuse par les locaux. Quelques années auparavant, en arrivant au pouvoir, l'homme fort du régime actuel avait lancé ce projet insensé avec l'intention évidente d'entrer dans l'histoire comme grand patriote et bâtisseur. En quelques années, dans une opacité absolue, sur une zone de 400 sur 400 mètres ont poussé des dizaines de monuments (souvent la nuit), deux ponts et plusieurs bâtiments administratifs. Tout ça pour marquer la grande histoire du peuple macédonien, y compris en gravant le soleil de Vergina sur les plaques des égouts.

     Personne ne se rappelle plus du déclanchement du processus, quand l'ajout des coupoles sur le bâtiment de l'Assemblée Nationale avait été annoncé et avait provoqué une avalanche de réactions: n'y a-t-il mieux à faire dans un pays parmi les plus pauvres d'Europe? Qui pourrait imaginer la suite! Partons dans l'ordre.

    Les monuments. Ils sont donc des dizaines, pas un seul présentant un intérêt artistique ou esthétique. La plupart étaient installés la nuit, une quarantaine la veille de la prise des fonctions de la nouvelle équipe municipale. On se demande si certains ne sont pas là que pour faire peur aux enfants? Citons quelques-uns:

    A commencer par le plus grand et le plus controversé: Le Guerrier à cheval, c'est son nom officiel, une figurine de type Playmobil, haute d'une vingtaine de mètres au milieu d'une fontaine et entourée de lions et de guerriers. A noter que les lances des guerriers sont pointées vers l'autre rive du fleuve, la partie plutôt albanaise de la ville. Des rumeurs avaient annoncé la construction, les autorités déclarant ne rien savoir. Un matin les pièces du monument sont apparues et ont étaient rapidement assemblées. Des mois plus tard l'auteur, une jeune femme dont c'était le premier œuvre connu, avait déclaré qu'elle avait gagné le concours pour la statue d'Alexandre le Macédonien (Alexandre le Grand, en français). Les media n'ont jamais mentionné ni le concours, ni s'il y avait d'autres participants ni qui était dans le jury. Cette année est apparus, sur l'autre rive du fleuve, un complexe de statues de la même sculpteuse, avec le Père du guerrier à cheval en haut d'une colonne et la Femme du père du guerrier à cheval à la poitrine opulente. Il n'y a pas de statue représentant le Mari du guerrier à cheval, le gouvernement actuel est très attaché au valeurs familiales traditionnelles. Un papa, une maman.

    Le monument de l'instituteur Goce Delcev, l'idéologue du soulèvement de 1903. A cheval! Un peu comme si on présentait Lech Walesa à cheval.

    Nikola Karev, président de la république éphémère de Krusevo en 1903. Une sculpture avec tête et main disproportionnées. Je ne connais pas le nom du sculpteur, il ne devrait pas avoir plus de douze ans. La nouvelle équipe municipale avait découvert que la statue en bronze était facturée en marbre, dix fois plus chère.

    Cento, le premier président de Macédoine, en 1946, est bien en marbre. Sauf qu'il ne tient pas debout. Pas de problème, on lui avait rajouté un troisième pied.

    Prométhée au début était nu. Sous prétexte de protestations des associations féminines non identifiées, le gouvernement avait demandé au sculpteur de lui rajouter un slip. Les journalistes ont en vain cherché ladite association, aucune n'avouait être à l'origine de la plainte.

    Il y a aussi, en marbre blanc l'empereur bizentin Justinien né pas loin d'ici (peut-être, peut-être un peu plus loin), le roi de Macédoine Samoil (qui lui même s'appelait roi des Bulgares). Beaucoup d'autres en bronze: à cheval, à pieds, assis, en groupe ...

    Les ponts. Dans le centre-ville, entre les deux ponts existants, distants de 400 mètres, deux nouveaux ponts piétons ornées de statues ont était construits. Assez originaux. Partant des terrasses des cafés de la rive droite le premier aboutit directement dans le Musée Archéologique, l'autre dans la Cour Constitutionnel. Pendent les pauses, les juges iront boire un café en pantoufles.

    Au bord du fleuve, traversable au guet en été, deux galions - restaurants sont en construction. En béton ! Au milieu: des fontaines et des saules en pots.

    Les bâtiments. En 1689 le général autrichien Silvio Piccolomini, suite à une épidémie de cholera, avait incendié la ville. Des années plus tard, l'idéologue en chef du projet Skopje 2014 à décidé que le style architectural da la ville est le baroque. Pourtant il n'y avait pas de bâtiments baroques à Skopje!? Réponse: Évidement, puisque tout a été brûlé en 1689. Mais quel baroque, à cette époque Skopje était une toute petite ville au fin fond de l'Empire Ottomane. Réponse: C'est les vainqueurs qui écrivent l'histoire, nous avons gagné les élections, et nous avons décidé qu'au dix-septième siècle Skopje était une ville prospère, toute en baroque, comme Prague et Vienne. Et toc! (Les photos gauche et droite de ce paragraphe: avant et après le tremblement de terre de 1963.)

    La baroquisation est parti en deux directions:

    Citons quelques-uns:

    La Maison de Mère Theresa, celle là n'est pas en baroque. Pas de commentaire.

    La Porte Macédoine, une sorte d'Arc de Triomphe, de la même sculpteuse que le Guerrier à cheval. Destiné à être le lieu de rassemblement pour fêter les victoires, elle a vu le retour triomphal des basketteurs de Lituanie en 2011, après avoir accédé à la quatrième place aux championnats d'Europe. On peut la louer pour des mariages aussi.

    Le Musée Archéologique, un bâtiment assez original: 140 mètres de large et 20 de profond, une sorte de bâtiment-façade. Quand on le voit de face on a l'impression qu'il est énorme. En réalité il est tout petit. Il doit abriter un objet précieux: la copie du sarcophage d'Alexandre le Grand dont l'original est au musée archéologique d'Istanbul. On l’appelle comme ça car une scène de bataille où Alexandre y est représentée.

    Le Ministère des affaires étrangères, décoré de dizaines de statues.

    Le Nouveau ancien Théâtre, avec beaucoup de sculptures, évidement. C'est une réplique approximative et kitch du Théâtre National, construit entre les deux guerres et détruit par le tremblement de terre de 1963. Cependant c'est le seul investissement potentiellement utile du projet Skopje 2014. A condition que l'acoustique soit correcte, parce que la salle est couverte de reliefs dorés qui racontent la glorieuse histoire du pays. Le théâtre avait été inauguré en grande pompe, avec le gouvernement au complet, au mois de mars de cette année mais il n'est pas terminé. On attend toujours l'annonce de la date de la première représentation.

    Le Musée du combat macédonien pour l'état et l'indépendance, Musée du VMRO et Musée des victimes du régime communiste . Le mot "Musée" apparait trois fois dans le titre, pourtant il s'agit d'un seul. Il sert aussi comme vestiaire des mannequins qui décorent les monuments. Cet établissement mérite un chapitre entier. Il y est interdit de prendre de photos, j'en ai trouvé quelques-unes sur le web.

    L'Arène Philip II de Macédoine ne fait pas partie du projet Skopje 2014 mais mérite le détour. Le Stade municipal, construit en 1947 et agrandi en 1978, était de nouveau agrandi à 36 400 places et devenu Arène Nationale ! Je n'ai jamais compris que signifie la nomination Arène par rapport au Stade et encore moins le charabia sous le relief.

    La forteresse non plus ne fait pas partie du projet, mais c'est comme si. Avant 1963 la colline était chapotée par le Musée Militaire, une ancienne caserne, je crois, de l'époque Ottomane. Le bâtiment et une partie des remparts se sont effondrés suite au tremblement de terre, les ruines évacuées par la suite. Depuis quelques années une  nouvelle muraille, avec de nouvelles tours, à vu le jour. Plus belles que l'originale, comme d'habitude. Il n'y a pas que ça. Il y a trois - quatre ans me promenant la haut j'ai vu une structure métallique bizarre, en construction. J'étais très surpris quand en demandant à un des ouvriers qu'est-ce qu'ils construisent il m'avait répondu, avec un ton agressif : "Je ne sais pas!" Un peu plus tard j'avais lu qu'il y avait des manifestations violentes sur place. En effet une église était en construction, en douce, sur des fondations d'une église médiévale. Des albanais musulmans du voisinage n'avait pas apprécié qu'on construit une église sur le site qu'ils considéraient musulman, son venu manifesté et voulait la démolir. En face des chrétiens macédoniens sont venu la défendre. On se croirait sur l'Esplanade des mosquées à Jérusalem. Par la suite le site était fermé pendant une longue période. Finalement un compromis a été trouvé : il y aura une église et une mosquée.

    On n'est toujours pas en 2014. D'autres projets fusent, comme une nouvelle fontaine à côté du Guerrier à cheval :

    Pour finir avec une note positive, signalons la réalisation le moins contesté du projet: le carrousel.

La Macédoine et un des rares pays au monde où, actuellement, le gouvernement construit de tels installations. Qui se plaindrait, puisque ca plait tellement aux enfants.

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