Le choc des civilisations
L'histoire d'Ouzbékistan des vingt dernières années me rappelle beaucoup celle de ma patrie d'origine: la Macédoine. Les deux étaient des républiques périphériques, dans des états socialistes (communistes, en français) fédérales. Pendant de nombreuses années les hommes politiques locaux géraient les affaires sous les ordres du pouvoir central. Le fonctionnement des pays capitalistes occidentaux (démocraties, en français) ne les intéressait pas, le capitalisme devait disparaitre bientôt. Les gens ordinaires vivaient leur vie, chaque année mieux que la précédente et refaisaient le monde dans les cafés.
Un jour le mur est tombé et on leur avait dit: "Maintenant vous êtes indépendants!". Même si personne ne l'avait demandé, et personne n'avait râlé non plus. Ensuite les dirigeants ont retourné les vestes et leurs avait dit: "Maintenant c'est la démocratie, vous aurez le choix de voter pour différents partis politiques." Ensuite plus de soviets chez les ouzbeks, ni autogestion chez les macédoniens, mais "Vous aller travailler pour des patrons privés. Ou dans l'administration, si vous avez la carte du parti au pouvoir".
La comparaison s'arrête là. Tandis qu'en Macédoine il y a l'alternance de deux partis: un d'obédience socio-démocrate (anciens communistes) pro-occidental et un autre d'obédience démo-chrétienne mais ultranationaliste et antioccidental. En Ouzbékistan c'est différent. Le président Karimov, le Premier secrétaire du Parti de l'époque soviétique, est toujours au pouvoir. Avec un argument très convaincant, pour ses sujets et les droitdelhomistes occidentaux: "Si je pars, vous aurez les islamistes au pouvoir".
A part la guide, elle était d'origine tatare, nous n'avions pas d'occasion de discuter avec les locaux. Dois-je l'étiqueté de "nostalgique"? En croisant les mariages on lui avait demandé s'il y a une dot? "Non. Avant si, pas maintenait. Avant les gens avaient de l'argent, maintenant il y a le chômage." Une autre fois, en lui disant que on voit beaucoup de gens avec des dents en or, je lui avais demandé si s'est médical ou une mode? "Les deux. Avant les gens avait de l'argents et l'or n'était pas cher". Effectivement, il s'agissait des personnes d'un certain âge. Des paysannes, surtout.
Elle nous disait aussi que dans les sovkhozes (les fermes d'état) il y avait des gens de différents ragions. Des spécialistes venus d'ailleurs, qui restait définitivement. Ici ils étaient bien payés, bien logés, il y avait des crèches ... Depuis ils sont tous partis.
Avant dernier jour, sens qu'on aborde la question, elle nous avait dit que ça l'énerve que les touristes lui disent qu'avant elle n'était pas libre de voyager. Elle nous avait énuméré une douzaine d'endroits qu'elle avait visité. Quelqu'un lui avait fait remarquer, qu'a part un en Allemagne de l'Est, tous était dans l'URSS. "Et alors, le pays était grand et varié. Maintenant je ne peux pas aller même là-bas. Trop cher!" Et avant ce n'était pas cher? "C'est le syndicat qui payait." (syndicat : Comité d'entreprise, en français).
Je ne doute pas qu'il y a d'autres témoignages, aussi respectables que le mien.
La mer d'Aral
L'Ouzbékistan partage la mer d'Aral avec le Kazakhstan. Alors on ne peut pas à ne pas aborder le sort de cette mer intérieure. Voilà comment ça se présente, une discussion avec un de mes compagnons, français bienpensant:
- Le régime soviétiques (productiviste, con et méchant) avait construit des barrages pour faire pousser le coton et avait provoqué l'assèchement de la mer.
- Ça fait vingt ans que le régime n'est plus. Au lieu de se lamenter, ils auraient dû ouvrir les vannes. Ou faire sauter les barrages, si les soviétiques n'avaient pas mis des vannes.
- Mais il y en beaucoup, t'as pas vu de l'avion tous ces canaux?
- Alors tu veux dire qu'il est encore plus difficile de les détruire que de les construire?
- Non, mais maintenant beaucoup de gens vivent du coton.
- Ils n'ont qu'a les virer, ils ne se sont pas gênés de fermer les usines et virer les ouvriers!
Plus tard, sans connaitre notre discussion, la guide ma donnée raison concernant ma dernière affirmation. Le coton ouzbek était traité dans des usines d'une ville pas loin de Moscou. Avec l'éclatement du pays les liens commerciaux étaient coupés. Les ouzbeks se sont trouvé avec des montagnes de coton sur les bras et les usines russes sans matières premières. Chômage et misère des deux côtés. Depuis ils se sont de nouveau rabiboché.
En effet le problème est plus compliqué. Ou plus simple. Les systèmes d'irrigation existent depuis l'antiquité. L'essentiel des carneaux actuels étaient construits dans les années trente. Le problème d'assèchement de la mer d'Aral était d'actualité déjà dans les années soixante. Différents projets étaient discutés et contestés, dont celui de détournement des fleuves sibériennes (*). Mais, à la fin des années soixante-dix il y avait la guerre en Afghanistan et les dirigeants de la région avaient d'autres chats à fouetter. Ensuite la flopée de nouveaux états n'avait qu'à faire de la mer d'Aral.
Une fois parcouru la région et aperçu le réseau, moi je l'impression qu'en le modernisant (pour minimiser les fuites et l'évaporation) il en resterait suffisamment d'eau dans les fleuves pour alimenter la mer d'Aral.
Donc, ce que j'ai voulu dire ici, c'est que je pense que la disparition de la mer d'Aral n'était pas et n'est pas inévitable. Quel que soit le régime! Avant il fallait des décisions politique autoritaires. Aujourd'hui il faut que des financiers trouvent leur intérêt, au moins 10% de bénéfice. Pour l'instant ce n'est pas le cas.
_____
(*) Détourner des fleuves !? Quel horreur, ils étaient capable de tout, dans leur folie productiviste. Et ce n'est pas le fait qu'on ne trouve pas le mot "écologie" dans le mon dictionnaire français de cette époque qui nous empêchera de donner des leçons.