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Le choc des civilisations

    "Nous, on se lève quand on veut. Nous ne travaillons pas pour les blancs", m'avais répondu David, un mec de Lamap, quand je lui avais demandé à quelle heure dois-je passer le lendemain matin si je décide de lui acheter son masque. 

    Tout le monde veut aider le Vanuatu sur le chemin du progrès. Sur les routes des grands panneaux annoncent des projets de développement ou réhabilitation du UE (Union européen) et autres Rotarys. Dans les hôtels vous croisez des fonctionnaires du CE ou des missionnaires avec des 4x4 clinquants. Dans les coins les plus reculés vous tombez sur des volontiers (des ONG, en français) de Peace Corps ou autres. 

    Dans le Nord Ambrym j'ai parlé avec Lotte, une jeune néerlandaise. Etudiante aux Beaux-arts au Pays Bas, elle réalisait un documentaire dans le cadre de ces études. Au même temps elle aidait à la clinique d'Olal, tenue par un couple de hollandais, médecin et infirmière. Des volontaires aussi. Elle expliquait qu'ils essayaient d'apprendre l'hygiène au locaux, lesquels n'ont pas l'habitude à se laver. Elle était très respectueuse de leur culture. "Qui somme nous pour leurs imposer un mode de vie différent de celle qu'ils ont toujours connu? On leurs parle, s'ils acceptent tant mieux, si non tant pis."

    Je ne pouvais pas m'empêcher de penser au œuvre des missionnaires. Guidé par les meilleures intentions, ils venaient apporter la bonne foi, sauver les âmes de ces gens qui adoraient des faux dieux. Sens faire exprès ils avaient aussi apporté les maladies et un mode de vie inadapté. Ils avaient préparé le terrain aux marchands de bois de santal, aux négriers, aux planteurs et aux éleveurs. Ils étaient à l'origine de la destruction de la culture et même de l'anéantissement physique des populations. Estimé à un million en 1800, les ni-vanuatus était 41 000 en 1935, pour remonter à 200 000 aujourd'hui.

    Les missionnaires continuent leur œuvre. Ils contrôlent les écoles, où j'ai du mal à imaginer qu'on parle du planning familial. Par contre, le dimanche tout le monde à la messe où on leur cause de la joie d'avoir beaucoup d'enfants. Le résultat: 40% de la population a moins de 15 ans. Dans 10-15 ans (on ne sera plus au dix-neuvième siècle) combien d'entre eux trouveront du travail, combien deviendront des voyous?

    Le soir, après avoir joué avec les enfants, parlé aux jeunes filles de la liberté de pouvoir choisir son mari et aidé à guérir des malades, Lotte se couche heureuse d'avoir fait du bien. Comme les missionnaires jadis. Prépare-t-elle le terrain au règne de la loi du marché mondialisé, de la concurrence libre et non-faussée et que le meilleur gagne! Les investisseurs ont besoin de gens qui connaissent la valeur de l'argent, qui arrivent au boulot tôt et à l'heure, propres sur soi, qui ne crachent pas par terre, qui ne se grattent pas les couilles en public et qui ne disent ni "may be" ni "peut-être".

    David ne se doute pas que les jours où il pourrait se lever quand il veut sont comptés. Peut-être il ne travaillera jamais pour les blancs, mais quelle sera sa surprise de découvrir que la peau des patrons de couleur est blanche de l'intérieur.

    "Il ne faut compter que sur ses propres forces." Je me rappelle du slogan de l'époque, dont de certains de nos dirigeants actuels, Baroso et autres maos. Un slogan archaïque, c'est pourquoi je l'écris en gris. Aujourd'hui, la solution pour les pays sous-développés c'est la charité. Ils ne savent pas, c'est nous qui savons, alors on les aide. On leurs apporte la civilisation, le progrès. Les gouvernements et les organisations non gouvernementales financées par les gouvernements. Plus de promesses de lendemains qui chantent. Quel lendemain?

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