C'est différent de chez soi, on y vient pour ça. Mais différent ça veut dire pas pareil et ça c'est pas évident en ce qui concerne les choses désagréables. C'est tellement exotique et romantique une petite cabane dans un village indigène dans l'intérieur d'une île du Pacifique Sud. Oui, on est conscient de vivre une expérience unique, surtout quand il faut manger, se laver, faire ses besoins, se coucher.
Bien, on est atterri à Emiotungan, dans un bungalow au bord du village, lui-même dans une clairière. On prend possession des lieux accompagné par la moitié du village. Il est midi et le chauffeur nous dit qu'il viendra nous chercher le lendemain à midi.
Ils nous apportent à manger, dans la
chaumière à côté qui fait salle à manger. Le laplap est
immangeable et en plus on se demande comment ils l'avaient préparé, question
hygiène. Ils nous signalent qu'ils achètent l'eau du bidon de cinq litres. Vera
me fait remarquer que le bidon est déjà ouvert. Prétendant qu'on n'a pas soif,
on va boire plus tard dans les bouteilles qu'on a apporté. Je me force à manger,
c'est gênant de laisser tout sans toucher, on voit qu'ils ont fait des efforts.
Heureusement il y a des papayes au dessert.
On a tellement entendu parler, lu en effet,
sur la complexité des règles de comportement et des tabous qu'on n'ose pas s'éloigner de la cabane.
Il y a toujours des gens, curieux, autour de nous qui nous observent. J'ai
l'impression que c'est la revanche pour l'Exposition Coloniale. Vera subit un
nouveau choc culturel. On les a d'abord vu, les femmes se chercher de poux, mais
là elle s'aperçoit qu'elles les mangent. Avec tout le respect pour la culture
différente, c'est quand même dégoûtant.
Dans l'après-midi le chef, David, nous fait le tour du propriétaire du village. Des chaumières. L'église, derrière notre bungalow, est le seul bâtiment moderne. Nous entendons le bruit caractéristique et nous trouvons une dame avec la râpe coco préparant le repas.
Je transporte un grand sac avec le matériel de plongée, on n'avait pas jugé utile de prendre des sacs de couchage. Grande erreur. Pour faire notre lit pour la nuit on se débrouille avec le plastic à bulle, apporté pour emballer des éventuels achats, et avec les petites couvertures chopées dans les avions.
Le lendemain matin David nous fais visiter la nasara, la zone coutumière du village. Beaucoup de tam-tams, dont un à trois têtes, et des fougères. Splendide.
On s'ennuie à attendre le pick-up. Sur le
chemin devant notre cabane passent des petites groupes d'hommes. On parle avec
certains: ils vont à Bolentakeper, des danseurs. Certains font halte au village
et préparent du kawa.
Ni a midi, ni à une heure, ni à deux heure on ne voit pas le pick-up arriver. Ils nous disent qu'il est parti à Lalinda, qu'il va venir. Moi je crains qu'il tombe en panne, vu l'état dans lequel il est. Et c'est le seul véhicule dans la région.
Après un coup d'éclat de Vera, David décide
qu'on partira à pied, ses hommes porteront nos bagages. Pour tout transport ils
ont le choix entre le pick-up et leurs dos. Sur le chemin je me demande comment
ça se fait qu'ils n'ont rien d'autre. Parlons pas de charrettes, mais pourquoi
pas des mules ou des ânes. Il n'y avait pas ici, mais ces filous de
missionnaires, avec la foi, les fusilles, les robes à la con et les cochons ne pouvaient-ils pas
leurs apporter quelques ânes?