Suite à un incendie
l'aérogare
de l'aérodrome de Norsup est réduite à une petite baraque qui, vu l'intensité du trafic,
fait l'affaire. C'est le point d'entré d'une île dans les tropiques avec des
plages où personne ne se baigne. Même pas les enfants des villages au bord de
l'eau,
sauf un. Dès notre arrivée au Vanuatu on
a appris qu'une petite fille, d'une famille de plaisanciers nouveau zélandais,
c'est fait attaquer une semaine auparavant par un requin au niveau de l'île
d'Atchin à Malekula. Attaque
fatale.
Les malekulais étaient les derniers ni-vanuatous à abandonner le cannibalisme, dans les années cinquante. On dit qu'à cette époque il s'agissait de manger un petit morceau du défunt pour transmettre, symboliquement, l'âme. C'était autrement dans les temps plus anciens, quand ils mangeaient les captives des îles ou des villages voisins. Ou quand ils se délectaient des missionnaires, plus récemment.
Lakatoro,
le chef-lieu n'est ni une ville ni un village. Sur les trois sommets d'un
triangle, sur un kilomètre, il y a LTC (Lakatoro Trading Center), le
quartier administratif et MDC (Malekula Distribution Center). A Vila, des
touristes australiens nous avaient conseillé d'aller voir Bernard, français et
propriétaire de LTC. A part du supermarché il possède une
entreprise de travaux publics et des bungalows confortables. Bonne pioche, un
mec très sympa. Il nous loue un 4x4
avec chauffeur, son fils Jean François. A la question sur les requins il nous
dit qu'il suffit d'être prudent, son fils nous montrera des plages où on peut se
baigner.
Il y a deux excursions qu'on peut faire en voiture à Malekula: vers le Nord et vers le Sud à partir de Lakatoro. Le Nord est le territoire des Big Nambas et Le Sud celui des Small Nambas. Les noms viennent de la taille de leurs étuis péniens. Nous, on n'a pas eu d'occasion de les voir dans cet accoutrement. Dommage.
Le
Nord. En une journée on fait le tour de la "tête de chien". François amène
un copain avec lui, qui nous sera utile. Par exemple, quand la route traverse
une propriété, et sa arrive souvent, il faut que quelqu'un aille
ouvrir la
barrière à bovins et la fermer après le
passage. On pose la question à François sur les plages sûres. Il nous dit qu'il
ne connaît pas, qu'il ne s'est jamais baigné en mer à Malekula, trop dangereux.
Uniquement en rivière. Plus tard dans la journée on ira
chercher, dans une rivière aux belles
crevettes d'eau douce, une
piscine naturelle pour se rafraîchir.
Enfin, moi uniquement.
Le premier arrêt est en face des îles de
Nord-Ouest où vit une grande partie de la population. Ils viennent tous les jours
"sur le continent" pour travailler dans leurs champs. Ils traversent le bras de
mer infesté de requins avec leurs pirogues à balancier. On peut visiter ces
îles, mais allez persuader Vera à faire la
traversée.
Au village on visite un
sculpteur, on croise des
tam-tams et on va voir Laken Spirit Cave. Après
avoir longtemps attendu le chef, pour qu'il nous autorise d'y accéder, on va la
visiter. Il y a des dessins sur les murs, des blattes et des chauve-souris. Le
chef nous dit que ce n'est pas une sépulture de chefs Big Nambas, le
guide Lonely Planet dit n'importe quoi. Un peu plus loin, une autre
bourde de Lonely Planet: le village d'Amokh, avec ses fameux
tam-tams, n'est pas
abandonné.
Le Sud. François était ravi de nous
amener à Lamap, il a de la famille là-bas: son ancienne nourrice. Il y une
centaine de kilomètres de piste, avec des traversés de rivieras à gué
. En effet la plus grande partie est un chemin et la quinzaine
des derniers kilomètres, après Asuk Bay, rien du tout. Un pick-up taxi fait le trajet tous les
jours, peu d'autres voitures s'aventurent. François nous avait dit qu'il connaît
la route, plus tard on a eu plus de précisions: la dernière fois il a fait il y a un an. Cette fois si, avec nous, c'était la première fois qu'il
conduisait lui-même.
Après Asuk Bay
la piste disparaît, recouverte par la végétation. Souvent on avance au milieu
d'une mer de hautes herbes. Il y a des portions où au flanc de colline on ne
comprend pas trop comment François trouve le chemin. Il nous montre des piquets
improvisés, il avait prévenu hier soir et des gens sont venus couper. Des fois
on traverse des endroits boueux où on se dit qu’on ne repartira pas si on
s’embourbe
. Ça n'empêche pas François de surveiller les
arbres, et de s'arrêter pour tirer des pigeons. Il cherchait des perruches, mais
il n'a pas trouvé.
Au bout de la piste invisible on arrive à
Port Sandwich, nommé ainsi par James
Cook en personne. Une baie au sable doré. Un débarcadère délabré qui a dû
servir à l'exportation du copra dans des temps meilleurs. Je vois une pirogue
avec deux pécheurs, je vais les voir pour leur demander s'il y a du poisson. Ils
n'ont rien pris, un requin leur avait chassé le poisson. En effet, ici aussi, il y
a quelques années un touriste australien c'est fait bouffé.
Plus
tard, à Vila, Karl m'expliquera que c'était un requin tigre, une femelle énorme.
Les pécheurs ont fini par l'avoir, ils l'avaient tiré sur le sable et elle avait
mis six heures pour rendre âme. Elle avait des petits, ils ont grandi et maintenant
on ne sait pas où ils sont, quelles sont leurs territoires. Alors personne n'ose
se baigner. Et moi je me suis tapé un sandwich,
au Port Sandwich.
On passe vingt-quatre heures à Lamap. Visite de la famille de la nourrice, promenade dans le village. On cherche à voir des carvings, le chef n'est pas là. En l'attendant on descend à la ponte sud, en face des îles Maskelynes, où on nous montre de mollusques bizarres.
Pour
le retour c'est encore une fois le même périple sur la piste
. Sauf qu'un deuxième copain à François est venu
avec nous, au cas où il aurait des problèmes avec la boue, puisqu'il a plu
pendant la nuit. De temps en temps on s'arrête et François
essaye de tiré du pigeon.
Le dernier jour on fait un tour dans le quartier administratif. C'est un dimanche et tout est fermé, surtout le Centre Culturel, dommage.
Encore quelques images: